Effondrements
Urbanisme mortifère, habitat concentrationnaire et dégradé, arbres rabougris, habitants solitaires et accablés… En 1970, quelques mois de travail dans la banlieue parisienne m’ont inspiré trois créations. Pour les réaliser, j’ai puisé dans le stock de tissus affectifs légués par ma grand-mère.
Voici la première :
2039 … Oh non ! 1974, restauré en 2020, 140 x 178 cm, assemblage de chutes de courtepointes, collection particulière © Paulette Patout
Et la troisième…
Hommage à Hubert Reeves, patience dans l’azur, 1984, restauré en 2024, 93 x 143 cm, assemblage de tissus anciens, collection particulière © Paulette Patout
Franco-québecois, Hubert Reeves (1932-2023) était astrophysicien. Désireux de partager son savoir il devint un fameux vulgarisateur scientifique et un écologiste convaincu. Ses lectures ont constitué pour moi une ode à l’univers : sa splendeur, son immensité vertigineuse, ses richesses mystérieuses… Et sa fragilité aussi : Actuellement l’homme mène une guerre contre la nature. S’il gagne, il est perdu. Cet homme m’a permis de me situer dans l’univers : j’ai admis que je n’étais qu’une poussière, mais une poussière d’étoile.
Puis vinrent les confinements…
Fin 2019, une pandémie survint, due au Covid 19. Notre gouvernement déclara trois confinements successifs dès le 17 mars 2020. Au lieu de me morfondre dans l’isolement qui nous était imposé, je choisis de devenir artiste-auteur. Avec les moyens du bord, je m’affairais à créer des assemblages qui reflétait l’étrange période que nous traversions. Si ces quatre créations sont différentes elles développent cependant la même inspiration : les fonds évoquent le sombre chaos généré par des hordes de coronavirus. Mais à chaque fois des couples parviennent à se dégager de la débâcle. Qu’ils soient enfants amoureux ou bien jeunes mariés ils se dirigent tous vers des horizons colorés sous la protection des étoiles.
Confinement 1, migrer à deux, 2020, 193 x 139 cm, assemblage de chutes textiles, collection particulière © Paulette Patout
Confinement 2, migrer à deux, 2020, 205 x 135 cm, assemblage de matières textiles, collection particulière © Paulette Patout
Confinement 3, migrer à deux, 2021, 205 x 135 cm, assemblage de matières textiles, collection particulière © Paulette Patout
… Puis, la tempête Ciaran…
Solidarité dans la tempête Ciaran, 2024, assemblage participatif réalisé à Pleyben, 191 x 149 cm
Collection particulière © Paulette Patout
Dans la nuit du 1er au 2 novembre 2023, une tempête s’abat sur l’Ouest de la Bretagne. La commune de Pleyben subit des rafales à près de 200 km/h : poteaux électriques abattus, arbres déracinés, bâtiments endommagés. Le bourg reste isolé plus de trois jours : ni électricité, ni eau, aucune circulation possible puisque toutes les routes sont encombrées de débris divers.
Face à ce désastre les habitants se sont comportés avec solidarité et ont bénéficié de l’aide des communes voisines. L’épisode reste ancré dans les mémoires et c’est avec intérêt et émotion que certains visiteurs ont contribué à réaliser cet assemblage.
En 2039, une femme se maria à Douarnenez…
Noces de plastique à Douarnenez en 2039, 2021, installation avec robe de mariée sur mannequin et détritus prélevés dans les anses de la baie.
Collection particulière © Paulette Patout
Nos déchets ne sont pas tous collectés et recyclés. De plus, ils n’ont pas de frontières. Charriés par les vents et les rivières ils sont déversés dans l’océan, leur ultime réceptacle. Brassés par les courants contre les rochers ils se désagrégent, mais il faut plusieurs centaines d’années pour certains d’entre eux. Ils se transforment en nano-plastiques invisibles à l’œil nu mais avec toute leur nocivité. La faune est impactée, les humains aussi.
Cette pollution va se développer : en 2039, le poisson et les crustacés servis lors du repas des noces de cette jolie mariée douarneniste seront encore plus toxiques. Et c’est en vain que son voile et ses dentelles tentent de retenir les pollutions marines déversées dans l’anse de Ty Mark.